A l'ombre du passé dans le parc Huerquehue
Entre le lac Villarirca et le volcan du même nom, nous faisons halte à Pucon. Qu’ils sont loin Pérou et Bolivie.
Si Valparaiso comme les villes andines était peuplée de chiens errants, ici les chiens ne sont plus maîtres des trottoirs, ils ont des maîtres portant bermudas et chaussures bateau. Avec ses magasins bien achalandés, ses parasols aux terrasses, ses balcons en bois, Pucon aurait fière allure parmi les stations de Haute-Savoie. Un parfum alpin flotte dans l’air, impression de déjà vu, plaisir des retrouvailles.
Après quelques emplettes, nous voilà parés pour nous aventurer quelques jours en itinérant sur les chemins de randonnée. Dans cette région de lacs et de volcans, nous avons l’embarras du choix. Des lacs de montagne couleur émeraude, des vues dégagées sur des volcans enneigés, des arbres préhistoriques et des sources d’eaux chaudes, nous jetons notre dévolu sur le Parque Nacional Huerquehue. Huerquehue, paradis des grives pour les Mapuches.
Premiers pas sur le sendero Los Lagos, le lago Tinquilco annonce la couleur avec ses nuances de bleu et de vert. Après en avoir vu de toutes les couleurs, qu’il est plaisant de se remettre au vert.
La forêt humide nous entoure de ses branches denses, elle nous nous pousse à nous enfoncer dans son cœur. Des oiseaux moqueurs aux mélodies exotiques nous interpellent. La forêt chante. Parfois elle s’ouvre pour nous offrir une vue sur le majestueux Villarica coiffé de neiges éternelles.
Pas à pas, la forêt change. Elle se fait plus piquante : de drôles de bambous, Chusqueas, nous chatouillent les mollets, nous font trébucher et d’étranges conifères apparaissent. Encore quelques efforts et ces arbres préhistoriques domineront chacun de nos pas. Fascinants Araucarias impénétrables, inatteignables.
A l’abri de ces parasols millénaires, des lacs font miroiter la forêt. Lago Chico, Lago del Toro, les lacs s’égrènent le long du sentier.
Encore plus haut, à l’écart des chemins, nous osons à peine pique-niquer sur les rives de la lagune Huerquehue. Vierge de toute trace humaine, la regarder c’est déjà la profaner. Les tabanos (taons) montent la garde et chassent le randonneur indiscret. Nature préservée.
Après une nuit étoilée dans la prairie Renahue, nous nous enfonçons un peu plus dans la forêt exubérante. Soudain nous pénétrons dans l’univers de Léo, les mondes d’Aldebaran, tout petits sous la protection de la canopée. Heureusement le sentier est bien balisé. Tout à coup, la forêt primaire laisse place à une prairie alpine. Seul le bruissement des écailles d’araucarias dans le vent nous rappelle que nous avons changé de continent.
Au détour du sentier, un joyau radieux sous le soleil, un royaume pour les libellules : la lagune Pehuen. Silence, métamorphose en cours.
Deuxième campement dans un petit coin de paradis à l’ombre d’un verger où rougissent pommes et cerises. Après avoir monté le camp les Termas de Rio Blanco sont une douce promesse pour nos jambes alourdies par les kilomètres. Douceur des lieux, chaleur des eaux, ivresse du vin offert par deux randonneurs français, heureuse fatigue.
Enveloppés de nuit, nous levons le camp, un peu à regret, pour renouer avec les vertes profondeurs et, les vieux troncs drapées de velours verts.
Tous les matins dans la nature ont le même son étouffé, feutré, celui du murmure éternel. Grisant. Seuls sur les sentiers depuis trois jours aux pieds de ces grands ancêtres, dans le grand silence, la communion est douce, les cœurs se libèrent.
En retrait de l’ambiance bling bling de la rue principale, un repère cosy tenu par des Anglais fort sympathiques : Ecole. Le labyrinthe de chambres en mezzanine et des espaces communs douillets lui donne une atmosphère de refuge. Nous essaierions bien l’adresse en hiver… Pour compléter le tableau, savoureuse cuisine végétarienne avec des produits frais. Halte idéale avant et après avoir explorer les environs.